Gravelines
Née au XII° siècle du recul de la mer et de la canalisation de l’embouchure de l’Aa, Gravelines s’est contentée longtemps, comme la plupart des villes de Flandre, d’une épaisse levée de terre entourée d’un vaste fossé en eau, avec portes et tours seules construites en dur, compte tenu de la rareté de la pierre.
Son rôle éminent dans la lutte contre la France explique les deux transformations majeures réalisées sur l’initiative de Charles Quint.
Vers 1530, un château de brique vient commander l’accès occidental de la ville et l’écluse de l’Aa. Désormais, après chaque marée d’équinoxe, on peut chasser les vases du chenal d’accès pour garantir le tirant d’eau du port.
Vingt ans plus tard, la place est refondue par les meilleurs ingénieurs italiens du moment, Oligati et Paciotto, en un hexagone à six bastions à orillon, dont un pour le château. Sa réactualisation constante — construction des forts Saint Philippe à l’embouchure de l’Aa, d’un ouvrage à corne couvrant les écluses, de demi-lunes et d’un chemin couvert vers 1640 — n’empêche pas sa prise définitive en 1658 par les Français.
L’intervention tardive de Vauban, en 1699, portera essentiellement sur les ouvrages hydrauliques, de façon à pouvoir réguler la profondeur du port, de curer le chenal, et surtout d’inonder efficacement les abords de la ville pour éloigner les batteries assaillantes et interdire toute progression en tranchée. En 1706, un an avant sa mort, Vauban est nommé gouverneur de Gravelines.
Déclassée en 1902, la ville n’aura pas les moyens de raser ses fortifications, n’abattant que les portes, pour favoriser le passage des charrois.
Entre Dunkerque et Calais, la patrie du Zouave du Pont de l’Alma, vit encore à l’ombre de son enceinte hexagonale, dont on peut encore faire entièrement le tour en barque. Chef d’œuvre de la fortification hydraulique, la place forte intacte offre un panorama complet d’ouvrages du XVI° au XIX° siècle. Telle une citadelle, le château retranché contre la ville présente une porte entre deux tours à canon casematées immédiatement antérieures à l’invention du bastion ; transformé en arsenal par Vauban, il abrite aujourd’hui le musée de l’Estampe dans la poudrière dessinée par l’ingénieur Feuillé et construite en 1742. Sur la place, face à la porte d'entrée, se dresse le beffroi du XVIème siècle, confrontant les pouvoirs royal et municipal. Comme ailleurs sur la plaine littorale, on pallie le manque d’eau potable en construisant une citerne, posée à côté de l'église Saint-Willibrord, pour récupérer les eaux pluviales. Tout près se dressent les casernes Varennes et Huxelles. La première a été édifiée en 1737 et s’élève sur trois niveaux et un toit mansardé. La seconde, plus massive, a été bâtie à l'épreuve des bombes. Pour retarder la prise du corps de place, Vauban et ses successeurs ont multiplié les ouvrages avancés — contregardes, flèches, chemin-couvert — posés comme des îles au milieu des nappes d’eau et reliables en barque. Tout ici témoigne de l’inlassable activité des ingénieurs français du XVIII° siècle.